Et maintenant, dans l’angoisse de l’attente, il se demandait si bien réellement elles viendraient, si, au dernier moment, la mère rusée et fourbe, ou cette impénétrable Mademoiselle, n’inventeraient pas quelque prétexte pour les retenir. Non qu’il doutât de la tendresse de ses enfants. Mais il les sentait si jeunes, — Rose seize ans à peine, Nina pas encore douze, — si faibles toutes deux pour résister à une hostile influence ; d’autant que sorties du couvent depuis le divorce, elles restaient livrées à la mère et à la gouvernante.
Son avocat le lui avait bien dit : « La partie n’est pas égale, mon pauvre Régis ; vous n’aurez que deux jours par mois, vous, pour vous faire aimer. » N’importe, avec ses deux jours bien employés, le père se sentait assez fort pour garder le cour de ses chéries ; mais il les lui fallait, ces deux jours, strictement, sans tricheries, sans mauvais prétextes.
About the author
Alphonse Daudet (Nîmes, 1840 – Paris, 1897) passe une enfance pauvre, mais heureuse, en Provence. Il part à Paris où il travail pour plusieurs journaux et devient célèbre grâce à son ouvrage ‘Les Lettres de mon moulin’ (1869).
Il publie ensuite de nombreux romans comiques (les aventures prodigieuses de Tartarin et de Tarascon, 1872) ou réaliste (Le Nabab, 1878).
Il aime montrer la réalité tel qu’elle est, mais avec sensibilité. Selon ses propres paroles son art est ‘un singulier mélange de fantaisie et de réalité’.