« Monsieur le rédacteur,
« La lecture de vos écrits m’a souvent révélé l’étroite intimité qui
vous lie à la personne de M. Lépine, le bien connu chef de la police
parisienne.
« Aussi ne saurais-je m’adresser à meilleur intermédiaire que
vous, monsieur le rédacteur, pour projeter sur l’affaire dite de
l’« homme coupé en morceaux » la lueur destinée à en dissiper les
soi-disant épaisses ténèbres.
« Peu de jours après la découverte des funèbres débris que vous
savez, et devant l’impuissance policière, certains plaisantins d’esprit
facile rééditèrent l’antique facétie : « Ne cherchez pas le ou les
assassins. Ce garçon-là s’est suicidé. »
« Eh bien, cher monsieur, pour une fois, comme dit
Kistmaeckers, les plaisantins d’esprit facile avaient raison : « Ne
cherchez pas le ou les assassins. Ce garçon-là s’est suicidé. »
A propos de l’auteur
Alphonse Allais est le cadet d’une fratrie de cinq enfants, de Charles Auguste Allais (1825-1895), pharmacien, 6, place de la Grande-Fontaine de Honfleur (aujourd’hui place Hamelin) et d’Alphonsine Vivien (1830-19275).
Jusqu’à l’âge de trois ans, il ne prononce pas un mot, sa famille le croyait muet. À l’école, il semble plutôt se destiner à une carrière scientifique : il passe à seize ans son baccalauréat en sciences. Recalé à cause des oraux d’histoire et de géographie, il est finalement reçu l’année suivante. Il devient alors stagiaire dans la pharmacie de son père qui ambitionne pour lui une succession tranquille, mais qui goûte peu ses expériences et ses faux médicaments et l’envoie étudier à Paris. En fait d’études, Alphonse préfère passer son temps aux terrasses des cafés ou dans le jardin du Luxembourg, et ne se présente pas à l’un des examens de l’école de pharmacie. Son père, s’apercevant que les fréquentations extra-estudiantines de son fils ont pris le pas sur ses études, décide de lui couper les vivres.