
L »auteur de l »ouvrage que vous allez lire ne manque pas d »humour. Faisant allusion à une émission radiophonique bien connue des auditeurs guyanais, il fait dire à l »un de ses personnages ce jugement aussi définitif que sommaire : « elle n »allait pas écouter ce connard, avec ses grands mots et ses grands airs ? »
Ainsi André Paradis , auteur de Marronnages prend-il ses distances d »avec son alter-ego de La plume à l »oreille. Ceci vaut bien une mise en garde. Ici, nous ne sommes plus en radio, mais en littérature, la « plume à la main », et dans un genre dont Lukacs disait qu »il était celui de « la plus artistique des formes narratives».
Il s »agit donc d »un ensemble de huit nouvelles, réuni sous le titre de Marronnages.
André Paradis a un joli talent de conteur. Il sait communiquer à son lecteur l »affectueuse sympathie qui lui inspirent ses personnages : fille-mère qui se découvre tardivement un amour maternel insoupçonné, adolescents paumés, à la dérive, brésilienne qui s »impatiente devant une cabine téléphonique occupé par un bavard. Tout cela dans une atmosphère extrêmement tendue, de la violence contenue jusqu »à l »explosion, jusqu »au drame. Mais cette violence est elle-même tempérée par la distanciation, le décalage, pourrait-on dire, du narrateur, et aussi par cet amour des « fleurs qui embaument » : sansevieras, jasmins, buis de chine, etc.
Tenez, commencez donc par celle qui a pour titre La maison. C »est sans doute la plus achevée dans sa forme et son ressort dramatique. André Paradis veut-il nous faire ressentir la vive agitation qui s »empare d »une femme confusément inquiète ? Une phrase lui suffit, toute simple, mais tellement expressive dans sa sobriété :
« Sa main droite tenait un walwari dont elle s »éventait d »un geste sec de temps en temps? ».