‘Monsieur, quand je vins m’établir ici, je trouvais dans une partie du canton une douzaine de crétins, dit le médecin en se retournant pour montrer à l’officier les maisons ruinées.
La situation de ce hameau dans un fond sans courant d’air, près du torrent dont l’eau provient des neiges fondues, privé des bienfaits du soleil, qui n’éclaire que le sommet de la montage, tout y favorise la propagation de cette affreuse maladie.
Les lois ne défendent pas l’accouplement de ces malheureux, protégés ici par une superstition dont la puissance m’était inconnue, que j’ai d’abord condamné, puis admirée. Le crétinisme ne serait donc étendu depuis cet endroit jusqu’à la vallée. N’était ce pas rendre un grand service au pays que d’arrêter cette contagion physique et intellectuelle ?
Malgré son urgence, ce bienfait pouvait coûter la vie à celui qui entreprendrait de l’opérer. Ici, comme dans les autres sphères sociales, pour accomplir le bien il fallait froisser, non pas des intérêts, mais chose plus dangereuse à manier, des idées religieuses converties en superstition, la forme la plus indestructible des idées humaines. Je ne m’effrayai de rien.’ Mais ce roman de 1833 n’est pas simplement le récit d’un homme qui consacre sa vie au bonheur d’un village, un rénovateur qui donne à Balzac l’occasion d’analyser le développement rural et d’inscrire en son livre une certaine utopie.
Le Médecin de campagne est aussi une histoire privée, celle précisément du docteur Benassis, prise entre un début malheureux et une fin prématurée.
A propos de l’auteur
honoré de Balzac, né Honoré Balzac, à Tours le 20 mai 1799 (1er prairial an VII) et mort à Paris le 18 août 1850, est un écrivain français. Il a été à la fois critique littéraire, essayiste, dramaturge, journaliste, imprimeur, mais on retient surtout de lui son immense production romanesque qui compte 137 romans et nouvelles parus de 1829 à 1852.
Travailleur forcené, fragilisant sa santé déjà précaire par des excès (il mourra d’ailleurs prématurément à 51 ans), endetté par des investissements hasardeux, fuyant ses créanciers sous de faux noms dans différentes demeures, Balzac a vécu de nombreuses liaisons féminines avec des aristocrates et il a finalement épousé la comtesse Hanska en 1850, après l’avoir courtisée pendant près de vingt ans.