Une dévotion populaire très particulière est à l’origine de cet essai : le « culte des âmes des corps décollés » en Sicile. La Compagnie du Santissimo Crocifisso dite Compagnie des Bianchi (1541-1820) était chargée de préparer les condamnés à affronter leur mort en trouvant la voie du salut, tandis que le peuple de Palerme célébrait avec ferveur, dans le cimetière proche de l’église de la Madonna del Fiume de Palerme, les corps des condamnés. En effet, les Bianchi instruisaient les prisonniers de façon à ce que, lors de leur exécution, ils incarnassent aux yeux du public les martyrs ou le Christ – accomplissant de fait une sorte de superposition des figures saintes et criminelles, et réalisant une inversion des coupables en victimes.
À partir de l’étude de ce phénomène, l’auteur retrace et analyse l’évolution de la notion de victime en Occident depuis le XVIe siècle.
MARIA PIA DI BELLA , chercheur en anthropologie sociale, est membre de l’Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les Enjeux Sociaux (IRIS) à l’EHESS. Elle a publié Dire ou taire en Sicile et dirigé Vols et sanctions en Méditerranée. Elle travaille actuellement aux États-Unis sur les associations de victimes de crimes, leurs narrations et leurs mémoriaux.