Une réflexion autour du réalisme scientifique
Dans cet ouvrage, Franck Varenne pose la question du réalisme scientifique, essentiellement dans sa forme contemporaine, et ce jusqu’aux années 1980. Il s’est donné pour cela la contrainte de focaliser l’attention sur ce que devenaient sa formulation et les réponses diverses qu’on a pu lui apporter en réaction spécifique à l’évolution parallèle qu’ont subie les notions de théories et surtout de modèles dans les sciences, à la même époque. Même si, bien sûr, on ne peut pas attribuer le considérable essor des modèles au XXe siècle au projet qu’auraient eu les scientifiques de régler cette question, en grande partie philosophique, du réalisme – car les modèles scientifiques ont bien d’autres fonctions et ils proviennent de bien d’autres demandes techniques, cognitives et sociales –, son choix épistémologique a consisté à suivre la littérature contemporaine désormais classique, tant scientifique que philosophique, sur les théories puis sur les modèles afin d’une part, d’en rapporter l’évolution générale, mais, d’autre part aussi, afin de l’interroger de proche en proche, et systématiquement, sur ce qu’elle entend à chaque fois réévaluer ou remettre en débat au moyen de cette question persistante du réalisme et de la réalité en science. Au-delà de l’enquête historique, cette étude se révèle donc également comparative. Elle présente l’intérêt de mettre en évidence des similitudes de forme remarquables (identités, symétries, inversions, déplacements) entre des séquences argumentatives produites par des auteurs différents, dans des contextes distincts, au sujet de cette capacité qu’aurait – ou non – la science à rendre véritablement compte de la réalité.
Ainsi, via l’analyse épistémologique historique et comparative qu’en propose Franck Varenne, la question cruciale de la médiation du réel par nos outils conceptuels ou expérientiels reçoit dans ce livre l’éclairage d’auteurs dont les conceptions sont, pour certaines encore, méconnues du lecteur non anglophone.
Plongez-vous dans une analyse épistémologique historique et comparative des théories et modèles scientifiques.
EXTRAIT
Moyennant ce contexte poppérien de l’analyse de la logique de corroboration que nous avons rappelé, qu’en est-il de la nécessaire recherche de réfutations si la théorie n’est vue que comme une technique de calcul ? Comme le remarque Popper, si la théorie n’est conçue que comme technique de prédiction, elle ne tendrait plus à unifier les savoirs. Les scientifiques ne chercheraient plus de grandes représentations théoriques qui seraient de surcroît cohérentes entre elles. On se satisferait du fonctionnement local des théories comme on le dit souvent des modèles justement. Dans certains cas extrêmes, avec l’approche instrumentaliste, la théorie pourrait être rendue insensible à la réfutation : assez paradoxalement, l’instrumentalisme devient alors une doctrine épistémologique antiscientifique.
À PROPOS DE L’AUTEUR
Franck Varenne est maître de conférences en philosophie des sciences à l’Université de Rouen et chercheur au Gemass (UMR 8598 – CNRS/Paris Sorbonne). Ses recherches portent sur l’épistémologie des modèles et des simulations. Il a notamment publié
Du modèle à la simulation informatique (Vrin, 2007),
Qu’est-ce que l’informatique ? (Vrin, 2009),
Formaliser le vivant : lois, théories, modèles ? (Hermann, 2010) et
Modéliser le social (Dunod, 2011). Il a également publié dans de nombreuses revues, dont
Simulation, Journal of Artificial Societies and Social Simulation ,
Natures Sciences Sociétés et la
Revue d’Histoire des Sciences . Il codirige les collectifs
Modéliser & simuler. Épistémologies et pratiques de la modélisation et de la simulation, tome 1 (en 2013) et tome 2 (en 2014) aux Editions Matériologiques.