J’entreprends, dans un âge avancé, en 1850, d’écrire l’histoire de ma jeunesse.
Mon but n’est pas d’intéresser à ma personne ; il est de conserver pour mes enfants et petits-enfants le souvenir cher et sacré de celui qui fut mon époux.
Je ne sais pas si je pourrai raconter par écrit, moi qui, à douze ans, ne savais pas encore lire. Je ferai comme je pourrai.
Je vais prendre les choses de haut et tâcher de retrouver les premiers souvenirs de mon enfance. Ils sont très confus, comme ceux des enfants dont on ne développe pas l’intelligence par l’éducation. Je sais que je suis née en 1775, que je n’avais ni père ni mère dès l’âge de cinq ans, et je ne me rappelle pas les avoir connus. Ils moururent tous deux de la petite vérole dont je faillis mourir avec eux, l’inoculation n’avait pas pénétré chez nous.