L’aimable mot de Renaissance ne rappelle aux amis du beau que l’avénement d’un art nouveau et le libre essor de la fantaisie. Pour l’érudit, c’est la rénovation des études de l’antiquité; pour les légistes, le jour qui commence à luire sur le discordant chaos de nos vieilles coutumes.
Est-ce tout? À travers les fumées d’une théologie batailleuse, l’Orlando, les arabesques de Raphaël, les ondines de Jean Goujon, amusent le caprice du monde. Trois esprits fort différents, l’artiste, le prêtre et le sceptique, s’accorderaient volontiers à croire que tel est le résultat définitif de ce grand siècle. Le que sais-je? de Montaigne, c’est tout ce qui voyait Pascal; et Bossuet, dans cette pensée, écrivit ses Variations.
Ainsi ce colossal effort d’une révolution, si complexe, si vaste, si laborieuse, n’eût enfanté que le néant. Une si immense volonté fût restée sans résultat. Quoi de plus décourageant pour la pensée humaine? Ces esprits trop prévenus ont seulement oublié deux choses, petites en effet, qui appartiennent à cet âge plus que tous ses prédécesseurs: la découverte du monde, la découverte de l’homme.
Le XVIe siècle, dans sa grande et légitime extension, va de Colomb à Copernic, de Copernic à Galilée, de la découverte de la terre à celle du ciel. L’homme s’y est retrouvé lui-même. Pendant que Vesale et Servet lui ont révélé la vie, par Luther et par Calvin, par Dumoulin et Cujas, par Rabelais, Montaigne, Shakespeare, Cervantès, il s’est pénétré dans son mystère moral. Il a sondé les bases profondes de sa nature. Il a commencé à s’asseoir dans la Justice et la Raison. Les douteurs ont aidé la foi, et le plus hardi de tous a pu écrire au portique de son Temple de la Volonté: «Entrez, qu’on fonde ici la foi profonde.»
Profonde en effet est la base où s’appuie la nouvelle foi, quand l’antiquité retrouvée se reconnaît identique de coeur à l’âge moderne, lorsque l’Orient entrevu tend la main à notre Occident, et que, dans le lieu, dans le temps commence l’heureuse réconciliation des membres de la famille humaine.
Over de auteur
Jules Michelet, né le 21 août 1798 à Paris et mort le 9 février 1874 à Hyères, est un historien français.
Libéral et anticlérical, il est considéré comme étant l’un des grands historiens du XIXe siècle bien qu’aujourd’hui controversé, notamment pour avoir donné naissance à travers ses ouvrages historiques à une grande partie du « roman national», républicain et partisan, remis en cause par le développement historiographique de la fin du xxe siècle. Il a également écrit différents essais et ouvrages de moeurs dont certains lui valent des ennuis avec l’Église et le pouvoir politique. Parmi ses oeuvres les plus célèbres de l’époque, Histoire de France, qui sera suivie d’Histoire de la Révolution.