Saêtta s’arrêta devant la table du ministre et s’inclina profondément, mais sans servilité, avec une sorte de fierté narquoise. Sully fixa sur lui son oeil scrutateur. Ce coup d’oeil lui suffit pour juger le personnage. Sans aménité, brusquement, sèchement, il dit : – C’est vous qui prétendez apporter au Trésor une somme de dix millions ? Nullement intimidé, Saêtta rectifia froidement : – J’apporte en effet dix millions au Trésor, monseigneur. Sully le fixa le quart d’une seconde et, avec la même brusquerie : – Soit. Où sont ces millions ? Parlez. Et surtout soyez bref : je n’ai pas de temps à perdre. L’accueil eût démonté un solliciteur ordinaire. Il eût écrasé un courtisan.
O autorze
Né en Corse, Michel Zévaco passe son adolescence en internat et obtient en 1878 son baccalauréat. Après une courte expérience de professeur à 20 ans, il entre dans l’armée où il reste quatre ans (sous-lieutenant de Dragons en 1886). Libéré de toute obligation militaire en juillet 1886, il s’installe à Paris.
Attiré par les lettres et la politique, Michel Zévaco devient journaliste, puis secrétaire de rédaction à L’Egalité que dirige alors le socialiste révolutionnaire Jules Roques. Il se présente sans succès aux élections législatives de 1889 pour la Ligue socialiste de Roques. À cette époque, il rencontre Louise Michel, Aristide Bruant, Séverine…
En raison de la virulence de ses propos, en pleine période d’attentats anarchistes, Michel Zévaco est condamné à plusieurs séjours à la prison Sainte-Pélagie. Par exemple, il est condamné le 6 octobre 1892 par la cour d’assise de la Seine pour avoir déclaré dans une réunion publique à Paris:
'Les bourgeois nous tuent par la faim ; volons, tuons, dynamitons, tous les moyens sont bons pour nous débarrasser de cette pourriture’