Conçu tout d’abord, entre 1927 et 1929, comme une féerie dialectique proche, par l’inspiration, des déambulations surréalistes de Breton et surtout d’Aragon, le projet d’essai sur les passages parisiens changea de nature lorsque Walter Benjamin le reprit en 1934. C’était désormais à un livre que travaillait l’exilé allemand réfugié sous l’architecture de fer de la Bibliothèque nationale, à une oeuvre qui devait être non seulement une histoire sociale de Paris au XIXe siècle, comme l’annonçait l’Institut de recherche sociale d’Adorno et d’Horkheimer, mais une tentative d’interprétation globale du XIXe siècle et de son équivoque modernité.
‘ Chaque époque rêve la suivante ‘ disait Michelet. Benjamin nous offre, pour déchiffrer les figures équivoques du rêve propre au XIXe siècle, des catégories aussi originales que fécondes qu’il appartient au lecteur d’associer et de combiner : l’ennui, l’oisiveté, la construction en fer, les expositions universelles, la mode, le collectionneur, l’intérieur, le miroir, le joueur, les passages, etc.
Elles lui permettent de montrer l’émergence de formes de construction, de communication et de transport dans les villes, dont le XXe siècle a pu seul mesurer la portée politique, en même temps qu’elles lui servent à dégager, au commencement même de ces techniques de masse, une fragile aspiration utopique et une promesse oubliée de liberté. C’est cette ambivalence qui fait des Passages, même sous leur forme fragmentaire, un extraordinaire hommage critique au Paris du XIXe siècle, à son architecture et à ses écrivains.
Despre autor
Walter Benjamin est un philosophe, historien de l’art, critique littéraire, critique d’art et traducteur allemand, né le 15 juillet 1892 à Berlin (Allemagne) et mort le 26 septembre 1940 à Portbou (Catalogne, Espagne).
Il est rattaché à l’école de Francfort. Il a notamment traduit Balzac, Baudelaire et Proust, et est l’auteur d’une oeuvre hétéroclite et interdisciplinaire, aux confluents de la littérature, de la philosophie et des sciences sociales. Son suicide tragique a frappé du sceau de l’inachèvement un corpus déjà extrêmement fragmentaire dans sa forme, composé de seulement deux livres publiés de son vivant, d’articles et de nombreuses notes préparatoires pour le grand projet de sa vie, qui ne verra jamais le jour : une vaste enquête sur le Paris du XIXe siècle.