Ce dialogue, qui est presque un roman, Diderot l’écrit au sommet de son art, a pres de soixante ans, et le revoit encore dix ans plus tard. Il met aux prises deux personnages seulement, « Moi », et le Neveu. Ce personnage se dédouble sans cesse : qu’est-ce qu’un homme qui prétend ne pas avoir de conscience, ne pas avoir d’unité, mais qui a en meme temps une sensibilité esthétique, celle d’un musicien averti ? Diderot mele la grosse plaisanterie, les motifs et les sujets les plus divers, la lutte contre les adversaires des philosophes, dans cette mise en scene d’une conversation sans fin. Le Neveu pose des questions importantes, et soudain, pour notre amusement, l’argumentation déraille. « Moi » est fasciné par ce bouffon sublime. Ainsi va cet enchaînement de numéros, de pantomimes, cette fausse piece, ce faux roman, ou l’auteur a mis, sous une allure burlesque, toute sa vie, tout son cour et tout son esprit.
Michel Delon.