Qu’y a-t-il au bout du nihilisme ? La mort ? La régénération ? Peut-être tout simplement le raffinement de la volonté de néant. Il faut lire Cioran pour découvrir jusqu’où peut aller la culture du désespoir et comment le suicide peut s’ériger en art du quotidien. Poète du malheur, le penseur roumain ne revendique rien. Il témoigne et fait éclater le dérisoire de la vie à travers une pluie d’aphorismes acides et d’images cinglantes.
Extrait : La décoloration des passions, l’adoucissement des instincts et toute dilution de l’âme moderne nous ont désappris les consolations de la colère, et ont affaibli en nous la vitalité de la pensée, d’où émane l’art de blasphémer. Shakespeare et l’Ancien Testament montrent des hommes par rapport auxquels nous sommes des singes infatués ou des damoiseaux effacés, qui ne savent pas remplir l’espace de leurs douleurs et de leurs joies, provoquer la Nature ou Dieu. Voilà où nous ont amenés quelques siècles d’éducation et de bêtise savante ! Autrefois, les mortels criaient, aujourd’hui ils s’ennuient. L’explosion cosmique de la conscience a fait place à l’intimité. Endure et crève ! c’est la devise de la distinction pour l’homme moderne.