À la fin de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, Chateaubriand envisage d’élever un «monument à la patrie». Ce monument – l’Analyse raisonnée de l’histoire de France -, il l’érigera durant les dernières années de la Restauration et le publiera directement dans le cadre de ses ouvres complètes (1826). Ce texte, depuis, était devenu introuvable. «C’est entre les fonts baptismaux de Clovis et l’échafaud de Louis XVI qu’il faut placer le grand empire chrétien des Français. La même religion était debout aux deux barrières qui marquent les deux extrémités de cette longue arène. ‘Fier Sicambre, incline le col, adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré’, dit le prêtre qui administrait à Clovis le baptême d’eau. ‘Fils de saint Louis, montez au ciel’, dit le prêtre qui assistait Louis XVI au baptême de sang. Le vieux monde fut submergé. Quand les flots de l’anarchie se retirèrent, Napoléon parut à l’entrée d’un nouvel univers, comme ces géants que l’histoire profane et sacrée nous peint au berceau de la société, et qui se montrèrent à la terre après le déluge.»
عن المؤلف
François-René, vicomte de Chateaubriand, né le 4 septembre 1768 à Saint-Malo et mort le 4 juillet 1848 à Paris, est un écrivain, mémorialiste et homme politique français. Il est considéré comme l’un des précurseurs du romantisme français et l’un des plus grands noms de la littérature française.
Issu de la noblesse bretonne, membre le plus célèbre de sa famille originaire de Saint-Malo, Chateaubriand s’inscrit politiquement dans la mouvance royaliste. Plusieurs fois ambassadeur auprès de souverains divers, il est nommé ministre des Affaires étrangères de 1822 à 1824 sous la Restauration et compte, sous le règne de Charles X, parmi les ultraroyalistes. Les nombreuses responsabilités politiques et diplomatiques qui jalonnent sa carrière ainsi que son goût pour le voyage, en Amérique puis dans le bassin méditerranéen, structurent une vie marquée par l’exil et la nostalgie de la stabilité.
Ses premières publications majeures, l’Essai sur les révolutions (1796) et le Génie du christianisme (1802), manifestent son engagement politique alors en faveur de la contre-révolution et en défense de la société d’Ancien Régime. Mais la question idéologique s’entremêle très rapidement à la promotion d’une esthétique originale qui remporte un grand succès populaire et littéraire : la description de la nature et l’analyse des sentiments du « Moi », qu’il met en oeuvre dans les fictions Atala (1801) et René (1802), d’abord publiées comme illustrations des thèses du Génie puis rattachées au vaste cycle romanesque des Natchez (intégralement paru en 1826), en font un modèle pour la génération suivante des écrivains français. Sa propension au mystère, à l’amplitude, à l’emphase, à la grandeur mélancolique, sa tentative d’exprimer une souffrance indicible et sa soif d’exotisme, qu’il réaffirme dans le récit de son voyage en Méditerranée Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811), lui ont valu d’être considéré a posteriori comme l’un des « préromantiques » les plus influents de sa génération. La sensibilité douloureuse de ce « vague des passions », illustré à travers le personnage de René, connaît une importante postérité dans le romantisme français : le « mal du siècle » de Musset ou le « spleen » de Baudelaire peuvent en être considérés, entre autres, comme de lointains avatars.
Néanmoins, l’oeuvre monumentale de Chateaubriand réside dans les Mémoires d’outre-tombe, parus à titre posthume dès 1849.