La brochure Capital et Rente avait fait une certaine impression sur les classes ouvrières, à qui l’auteur s’adressait, et produit une scission dans certaine portion du socialisme. La Voix du Peuple jugea donc nécessaire de combattre cet écrit. — Au premier article de M. Chevé, Bastiat fit demander la permission de répondre et l’obtint. Mais il fut prévenu que, pour la continuation de la discussion, M. Proudhon se substituait à M. Chevé. Les répliques se succédèrent à peu près de semaine en semaine jusqu’à la treizième lettre, dans laquelle M. Proudhon déclara le débat clos. Il fit de la collection des treize lettres un volume sous ce titre : Intérêt et Principal. Bastiat, usant de son droit, publia de son côté la même collection, augmentée d’une quatorzième lettre, et lui donna pour titre : Gratuité du crédit. Quelques personnes ont trouvé excessive la patience de Bastiat pendant le cours de cette discussion. Ce paragraphe et le précédent motivent parfaitement son attitude. Il attachait un grand prix à faire pénétrer, parmi les ouvriers, quelques vérités salutaires, à l’aide même de la Voix du Peuple. Ce résultat, il fut encouragé bientôt à s’applaudir de l’avoir poursuivi. Un matin, peu de jours avant la clôture du débat, il reçut la visite de trois ouvriers, délégués d’un certain nombre de leurs camarades qui s’étaient rangés sous la bannière du Crédit gratuit. Ces ouvriers venaient le remercier de ses bonnes intentions, de ses efforts pour les éclairer sur une question importante. Ils n’étaient point convertis à la légitimité et à l’utilité de l’intérêt ; mais leur foi dans le principe contraire était fort ébranlée et ne tenait plus qu’à leurs vives sympathies pour M. Proudhon. « Il nous veut beaucoup de bien, M. Proudhon, disaient-ils, et nous lui devons une grande reconnaissance. C’est dommage qu’il aille souvent chercher des mots et des phrases si difficiles à comprendre. » Finalement, ils émirent le voeu que MM. Bastiat et Proudhon pussent se mettre d’accord, et se déclarèrent prêts à accepter les yeux fermés une solution quelconque, si elle était proposée de concert par l’un et l’autre.
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Pierre-Joseph Proudhon, né le 15 janvier 1809 à Besançon et mort le 19 janvier 1865 à Paris (16e arrondissement), est un polémiste, journaliste, économiste, philosophe, politique et sociologue français. Précurseur de l’anarchisme, il est le seul théoricien révolutionnaire du xixe siècle à être issu du milieu ouvrier.
Autodidacte, penseur du socialisme libertaire non étatique, partisan du mutuellisme et du fédéralisme, il est le premier à se réclamer anarchiste en 1840, partisan de l’anarchie, entendue en son sens positif : « La liberté est anarchie, parce qu’elle n’admet pas le gouvernement de la volonté, mais seulement l’autorité de la loi, c’est-à-dire de la nécessité ».Il est l’auteur de plus de soixante livres.En 1840, dans son premier ouvrage majeur, Qu’est-ce que la propriété ? ou Recherche sur le principe du Droit et du Gouvernement, il rend célèbre la formule « La propriété, c’est le vol ! ». Dans ce même ouvrage, il est le premier auteur à utiliser l’expression « socialisme scientifique », lorsqu’il écrit : « La souveraineté de la volonté cède devant la souveraineté de la raison, et finira par s’anéantir dans un socialisme scientifique ».
En 1846, il donne, dans son Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, une explication de la société fondée sur l’existence de réalités contradictoires. Ainsi, la propriété manifeste l’inégalité mais est l’objet même de la liberté, le machinisme accroît la productivité mais détruit l’artisanat et soumet le salarié. La liberté elle-même est à la fois indispensable mais cause de l’inégalité.